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 Réponse de M. Thierry Maulnier
au discours de M. Jean d’Ormesson

DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 6 juin 1974

PARIS PALAIS DE L’INSTITUT

 

     onsieur,

     C’est ainsi qu’il convient que je m’adresse à vous selon le cérémonial de l’accueil dans notre compagnie. S’il n’y avait l’exigence de ce cérémonial, je serais embarrassé. Même si j’écartais, pour éloigner de vous par la même occasion l’accusation de féodalisme, le titre de comte dont en d’autres circonstances, mondaines ou politiques, vous pourriez être honoré, ou flétri, mon choix resterait encore difficile. Vous appellerais-je mon cher Camarade puisque vous avez été, comme je l’avais été longtemps avant vous, élève au lycée Louis le Grand ? Mon cher Archicube, puisque avec la même quinzaine d’années d’écart qui fait la distance entre ma génération et la vôtre, vous êtes entré comme moi dans cette école de la rue d’Ulm qui imposa aussi sa marque à votre grand prédécesseur, dans cette école dont les mamelles multiples comme celles d’une divinité du Gange, nourrissent en même temps notre enseignement, notre haute administration, notre littérature, notre politique, dans cette école qui tisse entre ses membres, par-delà toutes les oppositions idéologiques ou confessionnelles, et les éventuelles rivalités d’ambition, des liens à demi clandestins si forts que nous pouvons la nommer « Cosa Nostra » comme des maffiosi siciliens ? Vous appellerais-je mon cher Confrère, puisque vous avez choisi comme nous d’exercer à titre préférentiel sinon exclusif cette profession d’écrivain qui a sa noblesse, si j’en juge du moins par l’épée que nous portons ici ? Mon cher Directeur, puisque vous avez été il y a peu de mois, – la saison a été bonne pour vous – appelé au poste de commandement d’un journal bien connu, où vous me comptez parmi les membres de votre équipage ? Ou encore Patron, comme il est habituel de désigner familièrement et parfois affectueusement, le maître après Dieu, – et après les syndicats, – dans la rumeur des salles de rédaction ? Il était de rigueur, il y a cinquante ans, pour les littérateurs qui bénéficiaient du douteux privilège de l’âge à l’égard des représentants de la nouvelle génération, afin de les assurer d’une bienveillance protectrice et condescendante en les maintenant à leur place, d’employer la formule : Mon jeune Ami. Je n’oserais. Le protocolaire Monsieur vient à mon secours.

     Monsieur, donc

     Votre entrée dans cette maison a été facile et brillante. Le talent qui étincelle dans vos livres eût suffi sans aucun doute à écarter du chemin qui vous y conduisait les cailloux et les épines, et l’on ne voit pas pourquoi l’espèce d’examen de passage qu’elle comporte eut été plus difficile pour vous que le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure, que l’agrégation de philosophie, que votre participation dès 1946, à vingt et un ans, à de grandes assemblées internationales, puis à des cabinets ministériels, que la direction du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l’UNESCO, que votre activité d’adjoint au rédacteur en chef, – notre confrère, votre confrère Roger Caillois, – de la revue Diogène, vouée à la culture des relations "diagonales" entre les diverses disciplines de la connaissance de l’homme et du milieu humain, que le Grand Prix du Roman de notre Académie, obtenu par vous pour un ouvrage peut-être déconcertant au premier abord, et assurément insolite, la Gloire de l’Empire, que votre accession il y a trois mois à la direction du Figaro.

     Vous êtes et resterez sans doute assez longtemps le plus jeune d’entre nous. Mais votre nom est plus anciennement connu que cette Coupole elle-même, et il a été prononcé d’innombrables fois, depuis des siècles, dans les chambres des conseils royaux, les parlements, les assemblées, les ambassades. Dans votre dernier roman à peine né Au plaisir de Dieu où vous peignez avec un amusement affectueux, avec une tendresse impitoyable, une aristocratie aux prises avec la difficulté d’être dans le monde d’aujourd’hui, vous faites remonter la famille imaginaire que vous décrivez à l’époque des Croisades. Les Croisades, qui furent l’œuvre de la foi, bien entendu, l’œuvre de la surpopulation – les grandes épidémies s’étaient faites rares depuis quelque temps, – des aventureux Normands installés dans nos pays, mais mal accoutumés encore à la vie sédentaire, et l’œuvre du droit d’aînesse, les cadets étant bien forcés d’aller chercher ailleurs une terre ou la mort – les Croisades donc tuèrent beaucoup de bons chrétiens, de mauvais chrétiens et d’infidèles. Mais elles furent aussi de vastes couveuses historiques, qui firent éclore par une sorte de génération spontanée un nombre incroyable de familles d’illustre noblesse. En ce qui concerne la vôtre, dont l’arbre généalogique est tout aussi ample et ramifié que celui que vous attribuez à vos personnages, nous n’irons pas aussi loin. Dire les noms, les titres, les fonctions de ceux de vos aïeux qui se sont illustrés ou honorés dans l’exercice des hautes charges de l’État me demanderait, quand je me bornerais à la plus sèche des énumérations, une trop grande part du temps qui m’est accordé pour vous accueillir parmi nous. Vous avez, Monsieur, d’autres mérites que les noms de vos ancêtres. Notons donc seulement que depuis Olivier Ier Lefèvre d’Ormesson qui fut au XVIe siècle magistrat, président de la Chambre des Comptes, conseiller de Michel de l’Hospital, depuis Olivier II, fils du précédent, maître des Requêtes, rapporteur du procès Fouquet et disgrâcié par le Roi pour avoir demandé seulement une peine de bannissement qui fut "commuée" en détention perpétuelle, vous pouvez compter parmi vos ascendants un chancelier de France, deux contrôleurs généraux des Finances, un premier Président du Parlement de Paris, un membre du Conseil de Régence sous la minorité de Louis XV, onze conseillers, un nombre de Présidents du Grand Conseil, d’intendants des Finances et de maîtres des Requêtes que je renonce à préciser, quatre ambassadeurs de France, dont votre père et votre oncle, le compte Wladimir d’Ormesson, membre de cette Académie, et du côté maternel un régicide.

     Bien que plus qu’une famille de l’aristocratie française ait compté au cours des siècles des régicides d’intention ou des régicides par Ravaillac interposé, bien qu’on puisse trouver des régicides jusque dans les familles royales, les conventionnels régicides de 1793, dont beaucoup furent tranchés dans la fleur de leurs jours par d’autres conventionnels régicides comme eux, n’ont pas eu une postérité très nombreuse. Saluons donc Michel Le Peltier de Saint-Fargeau, président à mortier du Parlement de Paris. Son portrait fut peint par un autre régicide, David, qui, lorsqu’il dut fuir la France, emporta le tableau aux Pays-Bas, avec quelques autres. Ce tableau fut l’occasion d’une petite aventure presque stendhalienne. La fille du conventionnel Le Peltier, votre lointaine grand’mère, était contestataire, donc royaliste, et ne pardonnait pas. Elle partit pour les Pays-Bas nantie de cent mille francs de l’époque pour racheter le portrait détesté à David et le jeter au feu. David vendit le tableau, mais flairant de mauvaises intentions, fit signer par l’acheteuse l’engagement de ne pas le détruire. Contrat respecté. Le tableau fut scrupuleusement ramené à Saint-Fargeau dans l’admirable château qui avait été celui de Jacques Cœur et de la Grande Mademoiselle, et proprement muré sous une bonne épaisseur de maçonnerie qui le recouvre encore. Votre aïeule n’avait pas attendu Freud pour procéder symboliquement au « meurtre du père ».

     Michel Le Peltier ne mérite-t-il pas une réparation ? Tant d’arrière-parents qui avaient bien servi durant des siècles nos monarchies et nos républiques bourgeoises, vous affectaient, face aux sociétés de pensée de notre époque, d’une suspicion légitime. Un ancêtre régicide vous lavait du péché originel et vous ouvrait toutes grandes les portes des salons intellectuels des beaux quartiers.

     Avouez, Monsieur, qu’un tel passé vous orientait, par les contradictions qu’il comporte, vers une philosophie libérale, et qu’il vous imposait en outre l’obligation de vous distinguer. La densité des talents et des dignités qui ont fructifié depuis des siècles dans le feuillage de votre arbre généalogique faisait que l’Académie française était le minimum auquel vous deviez atteindre, à défaut de l’une de ces charges de connétable ou de sénéchal qui n’ont guère plus cours, pour ne pas vous sentir écrasé par les glorieux prédécesseurs de votre galerie d’ancêtres. Vous y voilà. Vous ne serez pas la honte de la famille.

     La Gloire de l’Empire, ce grand roman de cinq cents pages pour lequel le grand prix de notre Académie vous a été décerné, et de qui les mérites ont contribué pour beaucoup à vous mener là où nous vous voyons, La Gloire de l’Empire est un récit d’histoire imaginaire. Je dis bien un récit d’histoire imaginaire, et non pas seulement un de ces romans historiques où les personnages nés de l’invention de l’auteur, ou remodelés à sa façon, sont plongés par lui dans les Frondes, des guerres de religion, des intrigues dynastiques que nous pouvons tenir pour vraies au moins approximativement. Votre fiction est une fiction totale. Votre empereur Alexis, qui nous paraît être en même temps un peu byzantin, un peu sassanide, un peu Alexandre, un peu Frédéric de Hohenstaufen, conquérant et désabusé, homme d’état efficace et rêveur philosophe, débauché et amoureux, parcourt toutes les voies humaines depuis les vertiges de la toute puissance jusqu’à cette méditation sur sa vanité qui fit prononcer par un empereur romain mourant, véritable celui-là, les mots célèbres : « J’ai été tout, et tout n’est rien. » Mais l’univers historique dont vous avez dressé autour de votre personnage central le décor imposant, fourmillant d’événements et de visages, est né lui aussi tout entier des seules ressources de votre esprit, et si vous nous y donnez parfois, non sans malice, l’illusion d’y discerner quelqu’un ou quelque chose que nous connaissions déjà, c’est pour nous la retirer aussitôt. Sans doute avez-vous voulu nous faire entendre, par ce pastiche de l’histoire vraie, que l’histoire elle-même est légendaire. Car, n’étant faite que de ce que les hommes du passé ont pu ou voulu nous laisser connaître d’eux, elle nous livre une réalité déjà sujette à caution sur laquelle agit encore le pouvoir modificateur de notre propre regard. L’incertitude qui affecte selon Heisenberg la connaissance microphysique du fait de l’action de l’observateur sur le phénomène observé affecte plus encore la connaissance historique, qui est toute d’interprétation. De sorte que toute l’histoire est jusqu’à un certain point une histoire mythique. L’histoire est par nature anachronique et je voudrais être l’auteur de la sentence que vous placez dans la bouche d’un sage : « Demain expliquera peut-être aujourd’hui, mais il ne le comprendra plus. » À quoi s’ajoute cette difficulté, que je propose au collaborateur de la Revue Diogène, intéressée spécialement par les relations entre les diverses voies et diverses méthodes de la connaissance, que les approches du fait historique comme celle du fait physique, sont contradictoires, et que comme le phénomène lumineux, le phénomène humain se manifeste à nous sous la forme ondulatoire ou sous la forme corpusculaire, selon que nous l’abordons par ses données collectives ou par ses données individuelles, un de ces aspects ne pouvant épuiser l’autre. Les masses passives – humanum paucis vivit genus, – sont-elles conduites à leurs destins historiques par une petit nombre de conducteurs, hommes d’état et de guerre, hommes de science, guides spirituels, ou, au contraire, les grands individus ne sont-ils des émergences localisées de l’innombrable activité collective sous la pression de l’histoire ? Le débat ne comporte pas de conclusion, et du reste les livres sont faits pour nous inciter à poser des problèmes insolubles.

     Mais je n’oublie pas, Monsieur, que vous fûtes normalien, que Jules Romains le fut, que je le fus moi-même, et que trois normaliens ne peuvent être réunis, dans une circonstance comme celle-ci, sans que soit évoqué ce signe de ralliement entre normaliens, cet élément primordial de l’éthique normalienne qui a nom le canular. Vous avez, Monsieur, admirablement parlé du canular. Le canular est le visage de l’esprit d’irrévérence, lorsque l’esprit d’irrévérence ne se prend pas lui-même trop au sérieux. Écoutez les paroles d’un orateur majestueux, en sachant qu’une main traîtresse a retiré doucement le fauteuil derrière ses fesses augustes pour l’instant où il va se rasseoir, c’est peut-être le seul plaisir où l’homme se sente l’égal des dieux. En fait, c’est le plaisir constant des dieux. C’est à la gloire du canular préparé et exécuté en commun, défi d’une dérision sans cruauté à l’égard de la crédulité humaine, des valeurs d’établissement, de la solennité des rites sociaux, et témoignage pour la camaraderie virile, que fut composé ce chef-d’œuvre de Jules Romains qui a déjà réjoui tant de générations successives : Les Copains. Voici que c’est pour beaucoup à un roman-canular, à un canular-fleuve de cinq cents pages où la gravité méticuleuse s’entrelace à la fantaisie, où la sage éloquence de l’histoire à la mode du XIXe siècle authentifie faussement l’invention pure et simple, où le faux vrai et le vrai faux se multiplient et se dédoublent dans des jeux de glaces, où nous commençons à sentir que nous sommes piégés à l’instant où nous cessons de l’être, que vous devez pour une bonne part votre notoriété littéraire et votre présence aujourd’hui parmi nous. Comment n’admirer pas l’art des citations mystificatrices qui a enrichi votre texte ? Les écrivains les plus illustres du passé et du présent sont nommés dans l’index où vous faites état de vos sources comme il est d’usage dans les ouvrages les plus érudits, certains de ces écrivains sont réels et d’autres sont inventés par vous, et certaines des citations sont véritables et d’autres menteuses, et d’autres à moitié menteuses et à moitié véritables, et d’autres encore présentées de façon à nous incliner à croire qu’elles sont fausses alors que précisément elles sont vraies. Voici quelques vers de Hugo, – Hugo de la Légende des siècles, cela va sans dire – à la gloire de votre Empereur :

Par une corde au sol la cage était fixée.
Il mit aux quatre coins les quatre aigles béants,
Il leur noua la serre avec ses doigts géants…
Alors, une tiare au front comme Mithra,
Alexis, l’arc au dos, la flèche au poing, entra
Dans la cage, et le roc tressaillit sur sa base,
Et lui, sans prendre garde aux frissons du Caucase,
Vieux mont qui songe à Dieu sous les cieux étoilés,
Coupa la corde, et dit aux quatre aigles : "Allez".
Et d’un bond les oiseaux effrayants s’envolèrent.

     Ces vers sont-ils vraiment du vrai Hugo ? Ils en sont bien capables. Pourtant, le nom d’Alexis est là. L’avez-vous substitué à quelque autre ? Le texte sent le pastiche, l’excellent pastiche. Mais Hugo s’est si amplement pastiché lui-même, parfois en le sachant, plus souvent sans le savoir ! Auriez-vous poussé la perversité jusqu’à introduire dans votre prose de véritables vers de Hugo pour nous faire croire qu’ils sont de vous ? Pour se démêler de vos tortueux desseins il faudrait le fil d’Ariane, où la clairvoyance surnaturelle de Tirésias, le dessin aveugle, celui dont l’œil

Ouvert à l’invisible, au visible est fermé.

     Encore un vers. Est-il de Hugo ? Est-il de vous ? Il n’est ni de Hugo ni de vous. Il est de moi. (Croyez-le si vous voulez).

     Le canular, en ce qui vous concerne, n’est d’ailleurs pas borné aux frontières de l’Empire d’Alexis. J’ai déjà évoqué le dernier de vos romans, un roman nouveau-né, – le nouveau-né se porte bien lui aussi : encore cinq cents pages, – pour lequel j’ai une tendresse toute particulière, Au plaisir de Dieu. Il me semble que vous y avez poussé à la perfection l’art de vous dérober à notre prise et de donner le change. Vous y prenez vos distances à l’égard d’une classe sociale que vous ne reniez pas et envers laquelle votre irrévérence est encore une marque de l’affection, la lucidité un visage de l’élégance. Au reste, quand dans vos romans vous écrivez « Je », dans quelle proportion s’agit-il de vous ? J’ouvre un autre de vos livres, il s’appelle Du côté de chez Jean, ce qui semble bien, avouez-le, nous préparer à des confidences. Je l’ouvre à la première page. Je lis les trois premiers mots. Les voici : « Ma stupidité m’atterre. » À qui voudriez-vous faire croire que vous avez là un sujet de consternation ? La marge d’erreurs que comportent nécessairement tous les choix humains peut avoir fait, exceptionnellement qu’un individu stupide se soit assis parmi nous, mais non pas, à coup sûr, un individu atterré par sa propre stupidité. Vous êtes bien un mystificateur.

     Au point que, si sérieux et même mélancoliques que soient vos livres à certains égards, il est bien difficile de cerner le moment où vous cessez de l’être. En cet instant même, Monsieur, j’ai un léger doute. Dans Les Copains déjà cités, Jules Romains nous conte l’inauguration d’une statue équestre. Lorsque le voile tombe parmi les discours et les musiques, les ministres, les notables, les spectateurs, les spectatrices voient apparaître sur le cheval de bronze, au lieu de Vercingétorix ou de quelque chose d’approchant, un joyeux garçon nu et poilu, singulièrement et scandaleusement vivant. La circonstance, aujourd’hui, est également majestueuse. Ne croyez pas pourtant, Monsieur, que j’appréhende de vous voir nous jouer un tour de cette façon-là. Vous êtres inauguré, mais vous n’êtes pas sous un voile. Rien à craindre. Mon inquiétude a une autre cause. Vous savez si bien nous prendre au piège, et dérober votre sincérité sous vos artifices. Est-ce bien vous qui êtes là ?

     Est-ce bien vous qui êtes là ? N’êtes-vous pas un autre ? Il a été avancé que Victor Hugo, – encore lui, – était un fou qui se prenait pour Victor Hugo, et que les œuvres de Shakespeare pourraient bien avoir été composées par un imposteur qui s’appelait Shakespeare. De même, n’y a-t-il pas un faux Jean d’Ormesson qui a pris la place du vrai, ou plus subtilement, un vrai Jean d’Ormesson qui cherche à nous faire croire qu’il est faux ? Dans l’impossibilité où je suis d’y voir plus clair, permettez, Monsieur qui êtes là, que je continue de m’adresser à vous comme si vous étiez le vrai Vercingétorix.

     Voici qui est bien de vous, et qui est admirable. C’est la dernière page de La Gloire de l’Empire, celle où le long divertissement à demi mystificateur, avant les index, les bibliographies, les tables de chronologie comparée, prend une dimension nouvelle dans une somptueuse méditation sur le réel et l’imaginaire, le destin des civilisations et le sens ou le non sens de l’histoire :

     « Quelques instants encore, la rumeur des chevaux, des voix et des couleurs traîne et flotte dans les airs. Mais déjà elle faiblit et décroît jusqu’à s’évanouir dans la nuit qui tombe lentement sur le chemin, sur les collines, sur les daims poursuivis par les chiens, sur les paons égarés et sur les cyprès. La scène reste vide. Ah ! dites, était-ce donc si facile de ressusciter l’Empire et de faire revivre tout un monde ? Allons, applaudissez l’artiste. Et puis applaudissez-vous vous-même qui êtes aussi l’artiste, puisque vous le regardez et qu’il s’est glissé en vous et que l’Empire désormais se confond avec vous qui en avez reçu la garde. Il semble que l’histoire, son fracas, ses personnages, ses souvenirs familiers s’en aillent rejoindre ailleurs tous les royaumes écroulés. Ailleurs… Où vont-ils, où sont-ils, où vivent-ils donc, écrasés par le présent insatiable, ces royaumes à jamais disparus, ces Ninive et ces Babylone, ces Memphis et ces Lagash, ces Ourouk et ces Our, ces Elam et ces Larsa, ces Sumer et ces Agadé, ces Kadash et ces Karkemish ? Ils vivent dans vos rêves et dans vos souvenirs, avec vos courses dans les bois, avec nos longues épées, avec nos passions enfantines et vos verts paradis, avec nos trônes évanouis et nos grandes espérances. La vie a passé là-dessus comme elle a passé sur l’Empire. Où sont-elles, toutes ces délices, nos attentes, nos folles amours, nos ambitions insensées ? La vie les a emportées comme elle a emporté l’Empereur, comme elle a emporté l’Empire. Nous les gardons au cœur parce qu’elles sont notre passé. Le passé… le souvenir… le monde n’est que son histoire. Rien de plus fragile que l’histoire. Rien de plus fragile que le monde. Le passé n’a pas d’autre sens que celui que nous lui donnons. L’art, la religion, la culture, l’histoire dressent une mince barrière dans l’esprit des vivants contre les gouffres de la mort, du temps qui court, de l’oubli. Les morts, nos pauvres morts n’ont d’autre vie qu’en nous. Il ne resterait plus rien d’Alexandre et de César, de Virgile et de Dante si nous cessions d’y penser. Tant de puissance et de génie, tant de science et de gloire s’abîmeraient d’un seul coup. Il ne resterait plus rien d’Abraham, de Socrate, de maître K’ong, du Bouddha, de Mahomet, de Jésus si nous cessions de les aimer. Il ne resterait guère plus d’Alexis si nous cessions d’y penser et si nous cessions de l’aimer. Et tout serait alors, sous les coups terribles de l’oubli aux aguets, comme si cet immense Empire qui avait dominé le monde n’avait jamais existé. »

     Vous écrivez bien, Monsieur, je crois même qu’il est difficile d’écrire mieux que vous ne le faites. Votre phrase est allègre, parfois jusqu’à l’insolence, souple et précise, d’un équilibre sûr. Vous êtes de ceux, un peu moins nombreux je le crains, à chaque génération, qui savent que l’écrivain de race n’a pas besoin de s’inventer un langage pour parler un langage qui soit à lui. Votre style est donc celui d’un classique. Mais voilà que je m’avise que je viens d’employer pour vous définir un mot qui pourrait, par les temps qui courent, vous faire plus de tort que de bien. Le classicisme, n’est-ce pas la solennité oratoire, la distinction guindée, le mot noble, l’académisme ? Je m’en vais tenter d’effacer la mauvaise impression que je viens peut-être de donner de vous. Je vous laisse encore une fois la parole, ou plutôt je la laisse au personnage qui dit "Je" et qui parle en votre nom dans Du côté de chez Jean, page 193 :

     « La vie, le cœur, le spectacle du monde, comme ils vont rire, les malins qui détestent le banal ! Je les emmerde. " Cette voûte ne s’est pas écroulée, elle n’a même pas frémi sous le choc d’un mot qu’elle entend peut-être pour la première fois. Je continue donc ma citation. Votre vocabulaire y devient d’ailleurs moins primesautier : " Ils ont assez méprisé le pauvre monde. Moi, c’est eux que je déteste et que je méprise. Je ne joue pas au rustre, bien simplet, au paysan du Danube : c’est pire. De temps en temps, le soir, je sens quelque chose qui éclate en moi et qui m’inonde de bonheur. Et je le dis. J’aime ce monde où je vis, ce qu’il me procure et ce qu’il m’impose : le soleil sur la neige, le bureau le lundi, la révolution demain, les wagons-lits, les femmes du monde, le courage et le désespoir, les questions sans réponse, la guerre et la paix, l’attente, les triomphes, l’insuccès, l’amour, presque rien. Quel bonheur d’être au monde ! et que tout nous soit donné ! »

     C’est une grande grâce, Monsieur, que d’aimer la vie dans chacune de ses heures, dans chacun de ses visages, dans chacune de ses tâches. Une grâce qui est plus heureuse que le bonheur puisqu’elle se fait bonheur dans le malheur même. Je songe aux Nourritures Terrestres, je songe à l’allégresse de Nietzsche torturé. Il semble que vous puissiez prendre à votre compte la formule si étonnement moderne qui était celle de Pindare il y a vingt-cinq siècles : « N’espère pas, mon âme, en une vie exempte de mourir, mais épuise le champ du possible. » Mais vous lui ajoutez ceci : « Et je me dis que peut-être moi aussi, je découvrirai des cieux. »

     De votre grand prédécesseur dont nous mesurons la dimension à celle du vide que sa disparition a creusé dans nos rangs, que dirais-je que vous n’ayez dit déjà, et que nous ne venions d’entendre, en songeant à quel point il eût été heureux lui-même de voir les accents mis avec tant de perspicacité et d’amitié sur ce que, dans son œuvre, il tenait lui-même pour le plus important ?

     Au risque de vous répéter, et de me répéter moi-même, puisque j’ai déjà eu le douloureux honneur de rendre hommage au nom de cette compagnie à un écrivain, à un homme qui l’illustrent entre tous, je dirai de non inégal aux plus grands auteurs français d’une époque qui restera l’une des plus éclatantes de notre littérature, il s’est distingué parmi eux par un souci tout particulier de mettre son génie au service de ses semblables. Soit que dans la perspective unanimiste qui avait une fois pour toutes orienté et défini son œuvre, il nous demandât d’exprimer par nos vies et par nos actes notre adhésion volontaire et fraternelle à la réalité collective qui fait notre substance : soit qu’il nous mit en garde, comme il le fît de plus en plus souvent dans les dernières années de sa vie, contre les redoutables périls que font peser sur les plus précieuses libertés de l’homme social contemporain les diverses formes de la dictature d’un sur tous, de quelques-uns sur tous, ou de tous sur chacun. Vous n’étiez pas, Monsieur, dans les années 30, en âge d’accueillir deux par deux, chaque année, produits dans un mouvement d’une amplitude majestueuse, comparable à celle des solstices et des équinoxes, les tomes des Hommes de Bonne Volonté. Mais quand vous avez pu aborder cette puissance série romanesque, ambitieuse dans ses proportions comme les entreprises des plus grands bâtisseurs de la littérature, vous avez pu y découvrir sans peine ce que son titre général nous annonçait déjà : qu’elle n’avait pas seulement pour dessein de nous informer mieux de notre condition, mais de peindre l’effort qui tend à la rendre plus supportable pour nos frères humains, et en le peignant de s’y associer. " Elle ne nous montre pas seulement le monde, ai-je dit un jour d’elle, elle nous invite à le faire meilleur. "

     Jules Romains appartenait à la race de ces grands créateurs de formes et d’idées dont le regard sur le monde modifie pour ainsi dire ce qu’il voit et donne aux êtres et aux choses une nouvelle couleur, – de ceux dont la vision est pour ainsi dire anticipation, et voit le monde non pas tel qu’il est, mais tel qu’il n’est pas encore et qu’il va devenir. Les années que nous avons vécues et que nous vivons, les années des dictateurs monstrueux suivis par des troupeaux fanatiques ou terrorisés, mais aussi les années des communautés supranationales, des grandes coalitions d’intérêts, des problèmes planétaires, des « mass media » au service des propagandes, de l’information universelle et instantanée, ces années voient l’accomplissement de l’unanimisme, mais en même temps le triomphe de sa parodie : de cette parodie que Jules Romains a nommée lui-même, vous l’avez rappelé, la maladie des multitudes. Puisque vous avez cité avec raison l’admirable discours que l’auteur des Hommes de Bonne Volonté prononça ici même le 7 novembre 1946, jour de sa réception à l’Académie, je vais à mon tour lui faire un emprunt. Il fallait quelque courage pour prononcer à la date que j’indique les mots que je vais citer dans une France dont les blessures saignaient encore, et où les ressentiments étaient cruels, où il arrivait à la vengeance de se cacher sous le masque de la justice, aux revanches de la liberté de ressembler aux abus de la tyrannie. Les mêmes mots ont gardé toute leur valeur dans les confrontations politiques moins sanglantes de temps qui restent incertains. Je dirai même que les semaines électorales que nous venons de vivre leur donnent une actualité rajeunie.

     « J’aimerais à signaler que chez nous, dans les époques de bonne santé intellectuelle, les tendances que nous étiquetons un peu sommairement la pensée de gauche et la pensée de droite ont exercé l’une sur l’autre une action bienfaisante de contrôle et d’éveil. Elles se sont mutuellement défendues contre leur perversion ou fanatisme. Les esprits de gauche étaient là pour répéter à ceux d’en face que le monde est mouvement, que l’ordre, sous peine d’être brisé doit consentir à la justice, qu’un abus ne devient pas sacré en vieillissant, que le passé ne se survit qu’autant qu’il se transforme et que l’avenir aussi est un visage, aux traits incertains, mais passionnément attachant. Les esprits de droite, – je laisse de côté, bien entendu, à droite comme à gauche, les marchands de haine, les professionnels de l’injure, ceux qu’une méchanceté de vocation désigne d’avance comme les procureurs du tyran ou de l’ennemi éventuel, – les esprits de droite nous mettaient en garde contre le danger des illusions même généreuses. Ils nous rappelaient, par exemple, que la nature humaine n’a guère changé depuis la forêt primitive, que la foule n’est pas foncièrement bonne ni scrupuleuse, que les masses ne sont point habitées par une sorte d’inspiration qui les dirige infailliblement ou leur fait choisir le chef ou les chefs en qui s’incarnera cette infaillibilité. Il serait extrêmement fâcheux pour notre pays que l’une de ces fonctions vint à disparaître ou à se dissimuler. »

     Il ne nous est pas interdit de rêver, – et sans doute Jules Romains approuverait-il ce rêve, – au jour où ces deux pensées contradictoires et complémentaires s’uniraient, se fondraient ensemble selon le vœu même de la vie, qui est évolution dans l’invariance, changement dans la continuité. Comme l’a dit à peu près Pascal, comme l’a dit à peu près Nietzsche, toute vérité devient erreur lorsqu’elle oublie la vérité contraire. Verrons-nous naître un jour en France un grand parti conservateur-progressiste ? Après tout, un tel parti devrait réunir les suffrages de presque tous les Français, qui ne désirent rien tant que la conciliation des grandes nouveautés et des vieilles habitudes, en leur offrant cette formule : « La révolution dans la stabilité ».

     Travaillons-y, Monsieur.

     Jules Romains, nous le savons, ne dédaigna pas le journalisme, et occupa même durant bien des années, dans la dernière période de sa vie une tribune importante dans un grand quotidien, pour y défendre les esprits et les corps de ses concitoyens contre les formes d’oppression dont les menaces planent sur eux, ou sont prêtes à surgir du sein même de leur peuple, du fond même de leur cœur. Vous voici vous-même à la tête d’un autre grand quotidien. Je ne saurais m’en plaindre, car ce grand quotidien est celui où j’écris. J’y ai connu deux directeurs avant vous. L’un, Pierre Brisson, qui aurait dû s’asseoir parmi nous, et il n’aurait tenu qu’à lui ; l’autre, désigné par lui pour une succession lourde et difficile, notre confrère de l’Institut Louis-Gabriel Robinet, qui est là et m’écoute, et qui n’a quitté sa tâche que sur l’ordre catégorique des médecins. Les services qu’ils ont rendus l’un à l’autre à notre pays et aux valeurs que nous tenons pour consubstantielles à notre vie même sont immenses. L’héritage qu’ils vous ont laissé, ou plutôt le « témoin » qu’ils vous ont transmis au sens sportif du terme, c’est celui d’une défense vigilante sourcilleuse de la liberté. Ce relais, Monsieur, je crois bien pouvoir dire que vous l’avez bien pris. Vous étiez préparé à le prendre. Toute votre œuvre littéraire, dont nous espérons bien que vos devoirs nouveaux ne vous détourneront pas, et vos preuves que vous avez faites en si peu de temps à la direction du Figaro dans les redoutables derniers mois, attestent que la liberté est pour vous le plus irremplaçable des biens, et peut-être le seul dont vous ne soyez pas jusqu’à un certain point désabusé. Prenons-y garde pourtant. Si de grands périls pour la liberté peuvent surgir des ambitions des puissants, de l’expansion des idéologies conquérantes, de la maladie des multitudes, de l’hypertrophie des techniques, et de ce goût d’asservir qui est pour tant d’hommes, dans la vie publique et privée, le seul moyen de s’affirmer, il est aussi un danger pour la liberté dans la charge qu’elle constitue et dans les responsabilités qu’elle impose. Certaines forces d’oppression ne naissent et ne grandissent que parce que les hommes éprouvent parfois comme une fatigue de la liberté. Cette fatigue prend dans les foules et même dans les élites la forme du besoin de sécurité, de conformité, d’unanimité dans une fois simplificatrice. Elle prend la forme de la fausse élégance intellectuelle dans les aristocraties périclitantes. Elle prend la forme de la peur. La tyrannie trouve en nous des complicités ténébreuses, parentes de l’instinct de mort, et le moment vient où cette tyrannie nous somme de renoncer nous-même à la liberté pour pouvoir mieux la défendre : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. » Cette formule ne dut pas déplaire à votre ancêtre le conventionnel. Mais nous ne pouvons la faire nôtre. Ce que nous avons le droit de dire, c’est : « Toute liberté même pour les ennemis de la liberté, sauf celle de détruire la liberté. »

     Vous venez, Monsieur, au cours de la dernière minute de votre remerciement, de nous rappeler les lignes très belles où Jules Romains nous invite à travailler pour que survient ceux qui meurent et que nous aimons, et aussi, – telle était, j’en suis sûr, sa pensée et telle est la vôtre, – pour que survive ce qui, autour de nous, est menacé par la mort et mérite d’être défendu contre elle. C’est la seule façon dont nous soyons assurés de survivre nous-mêmes : dans ce à quoi nous aurons permis de vivre un peu plus longtemps qu’il n’était prévu dans les desseins de la grande ennemie. Mystifier la mort, lui dérober sa proie pour un temps, et voir alors la tête qu’elle fait, voilà le point où le canular normalien rejoint l’universelle tâche des hommes. La mort est la chose du monde la mieux partagée, mais presque aussi bien partagé est le souci des vivants de défier sa puissance et de retarder sa victoire en lui dérobant pour un temps une part si infime soit-elle de ce qui lui appartiendra. Le besoin de la mère mortelle d’allaiter les petits mortels enfantés par elle, le geste acharné de la ménagère qui défend ses meubles contre l’envahissement quotidien de la poussière, et les veilles de notre fondateur Richelieu à l’ombre desquelles la France pouvait dormir en paix, font partie de la même bataille dont nous savons qu’elle doit être livrée et qu’elle sera perdue. Les petits des vivants et les meubles de la ménagère et les meilleurs de nos livres retourneront à la cendre qui fait aussi le linceul des empires, mais quelle autre ambition pouvons-nous avoir, si du moins nous ne mettons pas notre confiance dans un arrière-monde où la mort elle-même devient illusion, et l’illusion vérité, que d’inscrire dans la substance de l’univers, comme fait le vaisseau avec son sillage dans la substance de la mer, une trace qui prolonge notre propre passage, et atteste pendant un moment que nous sommes passés ? Ils ne le savent pas, mais les touristes imbéciles qui outragent de leurs inscriptions gravées au canif, à Paestum ou au cap Sounion, le marbre des colonnes millénaires, ne font qu’essayer d’imiter, selon la mesure qui est la leur, les architectes des Acropoles. Ils veulent retenir entre leurs doigts un peu du sable du temps. La couleur fondamentale, et la grandeur fondamentale, de la condition humaine, sont que l’inévitable s’y confond avec l’inacceptable, et qu’un effort pour vivre, peut-être privé de sens, est peut-être le seul sens que nous puissions donner à la vie.

     Si Dieu répondait aux questions, la question qu’il faudrait lui poser ne serait pas : « Pourquoi le mal ? » ce serait : « Pourquoi le monde ? » Mais Dieu, s’il est, ne tient pas de conférences de presse. Il ne répond pas aux questions. Il est lui-même la question, la question sans réponse.

     Il n’est pas sûr que l’univers ait ce qu’on nomme au sens propre du terme une raison d’être. Tout ce que nous savons, c’est que sur une étincelle refroidie devenue grain de poussière, parmi les soleils qui peuplent par milliards des milliards de nuées d’étoiles, est née une étrange espèce, un assemblage d’atomes minuscule, misérable, périssable, incomparable, irremplaçable, doué du singulier pouvoir de demander cette raison d’être à l’univers. Ce souci, ce tourment, cette espérance insensée, toujours démentie, toujours renaissante, c’est peut-être ce que faute de mieux nous appelons l’âme humaine.

     Mais je m’arrête. Je suis en passe de devenir trop sérieux pour notre plaisir, avec des pensées qui s’accordent mal au contentement de vous compter désormais parmi nous.

     Pourquoi parler de mort ?

     Vous voici immortel, Monsieur, mais voici mieux encore. Vous êtes vivant. Quel plus riche présent que celui d’un peu de vie peut espérer l’immortalité, même s’il ne s’agit pas de la précaire immortalité qui est la nôtre. C’est un peu de vie que les Immortels de l’Olympe venaient à bon droit chercher sur la terre en se réchauffant dans des amours mortelles. Vous avez le don de vie, et parmi les trésors de la vie qui font votre bonheur et votre mérite, ceux des chromosomes ancestraux, ceux de la société, ceux de la culture, soyons assurés que le talent est celui dont vous manquez le moins.


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